Euphorie de genre

© Célia, Second Life Snapshot, 2009

Nadine m’a envoyé un mail récemment. Elle me disait se sentir en pleine “euphorie de genre”. J’ai trouvé ça super et je lui ai demandé le droit d’en faire le titre de cet article

C’est quoi l’idée ? Ben déjà l’euphorie de genre c’est l’inverse de la dysphorie. Ça veut dire qu’on ne ressent plus sa transidentité comme une pathologie mais comme une fête, une joie, une libération. C’est exactement ça. C’est l’inverse de la mélancolie. Il parait que même Butler qualifie les trans de mélancoliques. Tout dépend de quoi on parle : avant la transition ou après ? Avant je veux bien dire que j’étais mélancolique, voire même dépressive. Mais après pas du tout. Je ressens vraiment un effet magique avant/après, comme dans les pubs. J’ai envie de faire la pub de la transition.

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J’avais aussi envie d’écrire un bouquin euphorique sur la transidentité. Mais c’est pas malin. L’euphorie ça ne fait pas les belles ventes. Il faut du malheur. Et dans le domaine il y en a. Pas difficile de trouver des trans exclues, en rupture familiale, sans boulot, prostituées, border line, droguées. Les victimes se ramassent à la pelle. Difficile de montrer une image fraîche de la transidentité sans avoir le sentiment de trahir celles qui se retrouvent mise au ban.

Mais on est quand même pas obligées de faire dans le larmoyant, la grande solitude, genre “seule au monde heureusement j’ai mes amies du forum”.

Je sais bien que cette réalité là existe. Pas question de l’oublier, mais j’aimerais aussi dire que la transition c’est chouette. Ça peut être un grand bonheur qui arrive, avec bien sûr son cortège d’emmerdements (pognon), de souffrances (épilations, chirurgie). Mais quelquefois tout n’est pas foireux. Il y a des gens qui comprennent et vous acceptent.

Oui c’est une chance quand ça arrive, ça donne un peu de temps pour aider un peu celles pour lesquelles c’est moins simple.

Il y a tant à dire sur la connerie politique ambiante, surtout en France. Je préfère lorgner du côté de l’Argentine. C’est surtout eux qui nous pourrissent la vie, les politiques. Mais n’attendons pas leurs lois. On peut aider à les créer les lois, militer, agir dans les instances des partis, dans les associations, OK. Mais on sait que de toutes façons ça ne va pas se débloquer tout de suite. Et puis c’est pas seulement là que ça se passe. J’ai pas envie de pleurer là-dessus. J’ai envie de fêter ma transition. J’ai envie de dire qu’aujourd’hui, je suis heureuse, et que c’est un beau jour pour mourir (vous aviez vu Little Big Man, j’espère ?).

4 réflexions au sujet de « Euphorie de genre »

  1. Formidable, le passage sur Esteva gel ! J’avais pas tant rigolé depuis longtemps ! Et quelle précision parfaite dans la posologie !

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