Ma « détransition » (2/3).

(11 Mars 2011)

Bon, peut être qu’il serait utile aussi que je décrive précisément ce que j’entends par « dé-transition » – (du moins pour ce qui me concerne), parce qu’il y a des gens qui commencent à me demander : « ça va être quoi ton prénom masculin ? Comment doit on accorder le genre pour s’adresser à toi maintenant… etc.»

Donc non, ce n’est pas ça du tout.

De la même façon qu’il y a plusieurs façons / degrés / besoins de transition, il y a aussi plusieurs façons / degrés / besoins de dé-transition…

En ce qui me concerne ça va consister à peu près en ça :

En m’introspectant profondément – (et non, ce n’est pas sale) – je me suis aperçue à ma grande stupéfaction que suis une très grosse binaire pleine de petites cases bien alignées et de bornes / repères à ne surtout pas dépasser, sinon, ça me stresse tellement que j’en suis deviens incontrôlablement malheureuse.

Je m’aperçois que je n’assume absolument pas de « trop sortir du moule », moi qui ai tellement défendu ça à un moment donné, et que ça me tord le ventre de n’être perpétuellement « résumée » qu’à ma putain de « différence » plus ou moins bien perçue selon le « bagage d’info – et de connerie » des gens…

Par goût personnel, j’adore être soit très féminine, soit très masculin, tout simplement parce que – contre toute attente – je me rends compte qu’en fait j’ai des définitions personnelles extrêmement précises de la masculinité et de la féminité, (et, partant de là, de l’homme et de la femme).

J’aime inconsciemment (adaptabilité ?) me positionner dans ces extrêmes stéréotypés parce que je m’y sens mieux, alors que je me sens très mal à l’aise au milieu.

Mes repères de genre « immuables » m’aident à percevoir et étiqueter les autres, (même si c’est « faux » ou « mal ») et contribuent à construire ma propre identité à travers la perception et le regard des autres. (Feedback)

Je veux avoir le choix de switcher entre les deux genres à ma guise et selon mon envie et mon besoin du moment, au lieu de m’enfermer dans une seule possibilité comme je l’ai fait (par erreur) ; je suis passée d’un seul genre unique stéréotypé vers un autre genre unique stéréotypé, que je prenais (toujours par erreur) pour une sorte d’identité figée, alors que tout ça bouge et évolue en permanence chez moi.

Alors c’est quoi dé-transitionner pour Cammy ?

Déjà, c’est commencer par ne plus être « full time ».

Sincèrement, j’en avais vraiment marre de me farder le matin, m’habiller en nana, mettre des prothèses des seins, surveiller ma voix, ma démarche, ma coiffure, ce que je dis, etc.

Tout ça pour simplement des histoires de booster mon passing parce que je n’assume pas de me faire emmerder par un connard de temps en temps – sachant que j’obtiens finalement l’effet inverse, puisque précisément ça m’emmerde de me « déguiser » au quotidien, en en ayant perdu l’envie… (Bref, arrêter de jouer le rôle « immuable unique » dont je parlais).

J’ai commencé depuis quelques temps à lâcher l’affaire sur ça, et ça me réussit bien pour l’instant de me balader « nature » avec un passing tellement à chier que des caissières me disent « monsieur » au Super U.

En bref, m’accorder des comportements perçus par les autres et par moi-même comme masculins, et m’en affranchir. Comme par exemple, m’autoriser à foutre sa claque (voir plus si affinités) au « connard de temps en temps » précité, parce que je me sens très à l’aise de faire ça en « mec » et pas du tout en « nana ».

Ça ne veut pas dire que je n’ai pas besoin de m’habiller en nana de temps en temps, et quand je fais l’effort de le faire, j’obtiens assez facilement du « madame » de la grande plupart des gens, parce que je « sais » maintenant faire ce qu’il faut pour obtenir ce résultat aussi.

Mais à mon avis, une à deux fois par semaine en nana ça sera très suffisant… (Et encore) selon l’envie de me « déguiser en ce que je suis sur le moment ».

Dans la mesure où mon THS n’a finalement aucun effet physique visible qui ne soit un tant soit peu camouflable sous un sweet un peu large, et que j’ai envie de bénéficier des effets positifs quand je me mets en mode « femme », je ne vais pas arrêter les hormones…

J’ai envie de continuer de profiter des maigres bénéfices des œstrogènes, mais je compte par contre remplacer l’androcur par du chibro proscar – (rendez-vous pris chez le toubib pour mardi prochain) et si les effets dépressifs (et sur la libido) perdurent malgré ce changement vers du « light », arrêter carrément les anti-androgènes.

Ma barbe est virée, et si elle repousse un peu, je continuerai de l’épiler…  Je suis contente de mon épilation, je ne la regrette pas du tout. C’est un peu comme le coming-out : C’est fait, et ça reste de toute façon un changement « actif » auquel je ne peux plus rien changer.

Aucun changement par rapport au prénom ; j’avais choisi « Camille » précisément parce qu’il était mixte, quant aux accords, eh bien je préfère nettement le féminin, même si je me formaliserai nettement moins du masculin dans ma vie courante si je suis effectivement habillé en gars. Je constate que le fait de réduire volontairement mon « investissement » dans la transition (et donc l’enjeu) réduit de fait l’attente et l’exigence inconsciente de certains « feedbacks absolus » finalement impossibles à obtenir pour moi – à savoir être réellement considérée par tout le monde comme une « femme » par les gens qui n’ont pas les mêmes définitions que moi de ce terme.

C’est une question qu’une femme bio ne se pose jamais, je ne vois donc pas pourquoi je devrai continuer de m’auto-torturer avec ça parce qu’on me colle des étiquettes qui puent.

J’aimerai aussi tenter de ressusciter l’aspect ludico-sexuel-fétichiste que je trouvais jadis à « l’activité de travestissement », – et que j’ai perdu, très à regret – c’est-à-dire retourner m’amuser à jouer dans mes bois, mes parkings, et mes caves de donjons, plutôt que d’attendre vainement un prince charmant idéal qui n’arrive jamais, et dont le manque me fait m’accrocher aux pires tocards du monde qui, eux, se servent de moi exactement de la même façon que dans un putain de sauna sans que je ne sois plus capable d’y prendre aucun plaisir.

Je vois bien que je suis juste une sorte d’exotique et insortable « vide-burnes gratuit » pour eux, – certainement pas la « femme » que je « prétend » être ; et plutôt que de continuer d’en pleurer, j’ai envie d’en jouir à nouveau.

Et d’avoir, à côté de ça, les chances de relations stables ou de boulots (stables aussi) multipliées par le simple fait de poser ma jupette 5 jours par semaine.

Parce que le « malsain » le « désespérant » et le « sournois » ne sont pas forcément là où je les ai soupçonnés au 1er abord… Ce qui est malsain, désespérant, et sournois, c’est de me voir devenue capable de rester accrochée à un connard juste parce qu’il fait partie de la minuscule fraction de mâles capables de me tenir par la main dans la rue. C’est ça que je trouve sordide insupportable, et finalement beaucoup plus « compulsif » comme besoin que ma sexualité d’avant…

Bref, revenir sur le passé, sans forcément défaire tout ce que j’ai fait ni désapprendre tout ce que j’ai appris, mais simplement faire en sorte de « l’oublier un peu », pour être capable de me resocialiser comme je l’entends pour l’instant, et d’une façon qui redevienne ludique et non plus contraignante.

Je suis tout à fait consciente que je fais potentiellement une connerie en m’engageant dans cette voie… Peut être que je vais m’en mordre les doigts, et finalement « retransitionner » à terme, qui sait… J’ai juste envie d’être libre d’explorer toutes les voies possibles tant qu’elles sont encore accessibles ; en bref, pouvoir me regarder dans la glace et me dire qu’au final, j’aurai vraiment tout tenté pour essayer d’aller « mieux ».

Des fois, je me demande si le fait de ressentir un si fort sentiment de féminité justifiait une transition…

Peut être. Peut être pas.

J’ai l’impression (possiblement fausse) que c’est beaucoup moins accepté socialement pour un garçon d’être « féminin » que pour une fille d’être « masculine »… C’est sans doute ça qui m’a un peu poussée aussi à « forcer le trait » et aller un peu plus loin que je n’aurai dû.

L’envie de porter tel ou tel vêtement et d’adopter tel ou tel comportement peut varier avec l’instant chez moi ; Et comme ces domaines (comportemental et vestimentaire) sont ultra-genrés, et participent activement à l’étiquetage qu’on nous donne, c’est difficile de ne pas se ré-enfermer dans une case en transitionnant, comme je l’ai fait…

Faire certaines conneries est une bonne chose, parce que dans certains cas c’est la seule façon de s’apercevoir vraiment que c’en était une, et de découvrir pourquoi – puis synthétiser – et finalement en faire une « non-connerie » vivable et exploitable.

C’est donc utile de faire des erreurs pour avancer… fouiner, chercher, tâtonner…

L’un des plus gros paradoxe de mon comportement actuel (et je m’en rends compte) est que je cherche à atténuer les contraintes liées au genre en m’imprimant franchement encore plus dedans (c’est-à-dire en multipliant les genres – donc les contraintes – pour avoir le choix de sélectionner celles que je désire adopter selon mon envie et mes besoins – donc en ayant l’impression (peut-être fausse / peut être vraie) de diviser les contraintes au lieu de les multiplier par l’action de les choisir)…

Cela me reviendra dans les dents à un moment où un autre, c’est certain ; on verra bien. A force de vouloir le beurre et l’argent du beurre…

Et c’est en m’apercevant de ces petites conneries que je me rends compte à quel point cette dé-transition n’est encore qu’une étape presque « auto-mensongère », toujours très imprégnée d’une forte dissonance cognitive*, mais peut être un peu moins qu’avant.

* Puisque je n’ai pas réussi à obtenir les opérations que j’envisageais (légère FFS et mammoplastie) je prétends (afin de supporter inconsciemment cet « échec ») que je n’en avais pas vraiment besoin, que c’était une connerie, et je me mets à remettre en question jusqu’au besoin « du reste » déjà mis en place.

Comme si ma transition entière – que je perçois finalement comme un « tout » – avait finalement été inutile, suite à l’échec d’obtention de ces étapes chirurgicales qui me paraissaient indispensables pour finaliser la « transformation » que je « fantasmais ».

Si j’avais obtenu ces opérations, je pense que je ne serai peut être même plus là à continuer à me poser des questions… Je serai sans doute passée à autre chose en fonction de ma « réussite »…

Sauf que l’aboutissement global de ma transition telle que je l’envisageais au départ n’a pas eu lieu et n’aura jamais lieu… Pourquoi dès lors continuer à fournir les efforts inutiles et pathétiques en pure perte pour quelque chose que je n’obtiendrai pas ? Pourquoi continuer à croquer de l’androcur de merde parce que les toubibs m’étiquettent suffisamment « trans » pour être castrée chimiquement et dépressive, mais pas suffisamment pour mériter les opés que je demande ?

Marre de ce système de cons, marre des efforts à sens uniques.

De plus, je suis plutôt déçue des effets – insuffisants je trouve – de ce que j’ai réussi à obtenir jusque là, puisque comme je l’ai stipulé plus haut, ça ne m’empêche pas d’avoir du « monsieur » quand je sors sans maquillage, cheveux attachés, et avec un pantalon et des baskets…

Chez Cammy, c’est l’habit qui fait le moine ou la nonne on dirait…

Donc dans la mesure où cet état foireux restera semble t’il ma dernière « mue », puisqu’il est finalement l’ultime stade où j’ai réussi à pousser ma transition, on peut dire que – pour moi, elle est foirée. Point final.

Donc autant assumer une vie de travestie occasionnelle bien dans sa peau que de MtF désespérée et dépressive d’avoir raté son truc faute de reconnaissance sociale et de moyens (et qui bouffe en plus un dépresseur pour être bien sûre d’être très malheureuse)…

C’est ça aussi ma dé-transition : Régresser aussi dans la fausse hiérarchie tacite entre transbidules dont je parle si souvent.

J’ai cherché à escalader cette hiérarchie factice pour obtenir de la reconnaissance dans ce qui s’avère être finalement un lobby, une minorité, un petit groupe de personnes ; alors qu’ironiquement, je me suis aperçue que j’ai perdu la reconnaissance sociale de la grande majorité des gens au fur et à mesure que j’ai monté à cette échelle trompeuse…

En redescendre un peu me fera du bien.

Ainsi que m’éloigner des problématiques stressantes liées à tout ça en faisant en sorte d’artificiellement ne plus me sentir vraiment concernée, puisque me concernant, l’enjeu ne sera plus vraiment ressenti comme étant le même.

Et voila.

Le fort pratique "range banane".

9 réflexions au sujet de « Ma « détransition » (2/3). »

  1. j’aime bien cette idée d’accepter d’être simplement soi, sans rentrer forcément dans les cases que d’autres ont pensées pour nous. ça ne veut pas dire « accepter son corps » ni accepter un rôle social masculin dont on ne veut pas vraiment, mais simplement se détacher un peu du regard et du jugement des gens.
    Pour moi, j’ai eu un moment un peu difficile, avant de vivre au féminin à plein temps, et où je sentais que je jouais un nouveau rôle en espérant paraître plus « femme », ce qui ne faisait que me mettre mâle à l’aise et ruiner ma crédibilité féminine. Quand j’ai réussi à me libérer de ça, parce que je ne sentais plus le besoin de prouver qui j’étais, que je me sentais légitime et digne telle que j’apparaissais, je me suis sentie beaucoup mieux, et plus grand monde ne cherche l’erreur dans mon apparence depuis que je n’en cherche plus non plus ! Je ne sais pas la part de psychologique dans cet apaisement, ou si c’est simplement la chance d’avoir un physique finalement pas si terrifiant pour une femme ?
    Je comprends moins le besoin de switcher d’un genre à l’autre dans la vie de tous les jours, mais je comprends bien par contre l’intérêt de ces « jeux de rôle » fantasmés et/ou mis en scène d’un point de vue sexuel !

    • Il me semble que nous avons décidément un certain nombre de ressentis en commun chère Coline. ^^
      Quant au besoin de switcher il est justement attenant aux jeux de rôles fantasmés et mis en scène tant sur le plan sexuel que sur le plan social… car c’est finalement un peu le même schéma – aussi impermanent.
      Bisous! 😉

    • Il n’est pas forcément indispensable d’en penser quelque chose… 😉
      C’est juste le témoignage d’une « possibilité » de parcours parmi d’autres, et je suis déjà contente que tu aies trouvé ça drôle…. ^^
      Biz Amille!

  2. Hiérarchie psychiatrique = trans plus malades que trav. La société pense pareil.

    Et surtout vie trav X FOIS plus simple, donc il vaut mieux être trav que trans ! Si tant est que ya une différence claire…pour les autres !

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